luni, 25 martie 2013

Entre Roumanie et Moldavie, une « tour Eiffel couchée » qui traverse la rivière Prout


À la frontière entre la Roumanie et la Moldavie, il est un ouvrage architectural bien peu connu, le pont de métal qui traverse le Prout, construit en 1877 par l’ingénieur français Gustave Eiffel, à la veille de la guerre russo-turque. « Nous l’appelons la tour Eiffel couchée » aiment à plaisanter les habitants de la région. Chargé d’histoire, ce pont ferroviaire est rarement accessible aux visiteurs.
JPEG - 68.5 ko
Les plans de Gustave Eiffel
Le pont sur la rivière Prout qui relie les villes de Iași, en Roumanie et d’Ungheni, en Moldavie, est un monument protégé par l’État. « Nous l’appelons la tour Eiffel couchée. Bien qu’il soit d’une rare beauté, il ne peut être admiré par les touristes, car il est situé sur la frontière », explique Alexandru Ambros, le maire d’Ungheni.
Les occasions de visiter le pont frontière entre la Roumanie et la Moldavie sont rares. En 2012, il a été ouvert au public à deux reprises, le 27 avril, à l’occasion du 135e anniversaire de sa mise en service et, le 1er septembre, pour les « jours d’Ungheni ».
La première voie ferrée à avoir traversé le Prout, frontière naturelle séparant les deux parties de l’ancienne Moldavie, aujourd’hui divisée entre la Roumanie et la république de Moldavie, a une histoire bien à elle. Entrée en fonction en 1876 (du temps où la Moldavie faisait partie de la Roumanie), la ligne Iași-Chisinau-Ungheni a été voulue à la fois par la jeune principauté roumaine, qui cherchait à ouvrir une nouvelle route vers le port ukrainien d’Odessa, et par l’Empire tsariste, qui avait des vues sur la sphère d’influence géopolitique de l’Empire austro-hongrois, auquel appartenait, entre 1868-1918, la partie centrale de la Roumanie.
Rencontre au sommet entre le tsar Alexandre II et Carol 1er de Roumanie
A l’issue de négociations engagées en 1869 après une rencontre entre le tsar Alexandre II et le prince Carol Ier de Roumanie, les deux pays décidèrent de créer un nouveau passage frontalier au niveau d’Ungheni. Commencée au printemps 1871, la construction de la ligne de chemin de fer progressa relativement vite, et le 28 avril 1873, la Société russe de navigation et de commerce inaugurait les 72 kilomètres du premier tronçon, réalisés par la société Lidkowski. Au début de la même année, la première entreprise privée de construction ferroviaire de Roumanie, dirigée par l’ingénieur Grigore Heliad, lança le chantier des 21 kilomètres reliant Iasi à Ungheni, du côté roumain, tronçon officiellement mis en service en août 1874.
Toutefois, la nouvelle jonction transfrontalière entre la Roumanie et l’Empire russe ne s’effectua que le 12 février 1876, avec le passage du premier train au-dessus du Prout. Construit au départ en bois, le pont n’était pas assez sûr pour résister à de fréquentes traversées. Or la détérioration rapide de la situation géopolitique dans les Balkans nécessita la mise en œuvre d’une version définitive, qui fut conçue et construite par le célèbre ingénieur français Gustave Eiffel.
Ecartement des rails variant au gré des guerres et mésententes
Inauguré le 14 mars 1877 et très utilisé pendant la guerre russo-turque de 1877-1878, ce pont métallique est toujours en fonction aujourd’hui. Les trains de voyageurs et de marchandises qui transitent entre la Roumanie et la république de Moldavie l’empruntent quotidiennement. L’un des aspects les plus intéressants de l’exploitation de ce chemin de fer tient aux changements périodiques de l’écartement des rails, qui se sont succédé au gré des guerres et mésententes qui ont rythmé les relations russo-roumaines.
Construit en écartement large (de type russe, soit 1.524 mm), le tronçon entre l’ancienne capitale de la Moldavie et le poste frontière d’Ungheni a été partiellement modifié pour faciliter le passage par la Roumanie des armées tsaristes engagées dans des opérations militaires contre les Turcs, sur le territoire actuel de la Bulgarie. De l’autre côté de la rivière, les troupes roumaines ont quant à elles établi une ligne à écartement européen standard (1.435 millimètres).
En 1918, après la proclamation de la réunion de la Bessarabie (partie de la Moldavie jusqu’alors contrôlée par la Russie) avec la Roumanie, l’intégralité de la voie ferrée Iași-Chisinau fut refaite selon l’écartement standard.
En 1940, la Bessarabie, de nouveau annexée par l’URSS et devenant la Moldavie soviétique, le réseau ferroviaire revient alors à l’écartement large. Lequel changea une fois encore à partir de juin 1941 pour permettre le passage des troupes de l’Axe dans leur offensive contre l’armée Rouge. Plus tard, en 1944, lorsque, après un bref retour dans le giron de la Roumanie, entre 1941-1944, la Moldavie fut réintégrée dans l’URSS, seul le tronçon situé sur le territoire roumain revint à l’écartement standard. Aujourd’hui, l’écartement large est toujours en vigueur dans les chemins de fer moldaves, ce qui explique, avec les changements de locomotives, l’interminable durée du trajet entre Iași et Chisinau.

Niciun comentariu:

Trimiteți un comentariu